Tous les mois, Nona vous présente un de ses partenaires. Ce mois-ci, c’est Cuisinons nos paysages que nous vous proposons de rencontrer. Nona a pu s’entretenir avec Augustin qui a cofondé ce réseau d’ateliers de transformation de proximité autour du végétal.

Sommaire :

Cuisinons nos paysages : trois mots qui ont leur importance dans la transition alimentaire

Un réseau national de légumeries-conserveries de proximité

Agriviva : un appui stratégique et opérationnel

Créer du lien entre acteur·rices de la chaîne alimentaire pour un bénéfice mutuel

Faire de la contrainte un potentiel de créativité

Un dernier mot pour passer à l’action ?

Augustin a débuté sa vie professionnelle en restauration puis a travaillé pour la startup Phénix, qui lutte contre le gaspillage alimentaire. Il est parti à l’été 2022 avec l’envie de monter sa propre entreprise.

“J’avais très envie de monter une boîte dans l’alimentation durable. Le sujet me passionne depuis toujours : je vois l'alimentation comme le parfait trait d'union entre tous les enjeux environnementaux, sociaux, culturels et économiques auxquels on doit faire face. Je ne savais pas trop ce que je voulais faire mais je savais ce que je ne voulais pas faire : j’avais pas envie de créer un projet bobo. Je voulais prendre le sujet de l’alimentation durable sous un autre angle et permettre à tout le monde de mieux manger et non pas à une minorité privilégiée d’encore mieux manger. Une des premières voies que j’ai explorée c’est celle de la restauration collective. Il faut monter des projets qui allient convictions et ancrage et pragmatisme économique : j’aimais bien ce défi-là.”

Augustin a donc échangé avec plusieurs personnes, travaillant de près ou de loin dans l’alimentation : “J’ai rencontré les deux fondateurs de Foodbiome. Je leur ai présenté le début de projet que j’avais, une coopérative de sourcing, transformation et distribution territoriale. Ils m’ont dit que je m’attaquais à beaucoup de maillons de la chaîne en même temps et que si je voulais resserrer mon angle aux légumeries-conserveries, on pouvait monter une boîte ensemble.”

Cuisinons nos Paysages : trois mots qui ont leur importance dans la transition alimentaire

Le projet a donc démarré en décembre 2022. Les valeurs y sont inscrites dans le nom. Le volet culinaire vise à accompagner les mangeuses et les mangeurs à se réapproprier leurs repas à travers le fait maison. Et pour sortir de l’alimentation surtransformée, il est indispensable que tout le monde se fasse plaisir en cuisinant.

“Une des questions clés chez Cuisinons nos Paysages c’est celle des produits transformés. Nous, on est transformateurs, mais il y a transformation et transformation : on fait ce qui s’appelle de la première transformation. La question centrale est de rendre accessible en termes de prix et d'usage les aliments d’un territoire aux personnes qui l’habitent.”

Le mot ”nos” incarne la question du commun. Pour Augustin, le rôle d’une légumerie-conserverie est de connaître personnellement les agriculteur·rices et chef·fes de restauration collective, pour faire en sorte que l’un·e comprenne le métier de l'autre et les contraintes de chacun·e. Il s’agit donc de créer des liens de solidarité et d’interconnaissance entre tous les acteur.rices de la chaîne alimentaire.

Enfin, la notion de “paysage” est double : elle s’apparente au territoire, à l’ancrage local, et porte aussi une dimension plus poétique mais tout aussi réelle selon Augustin : ce que l’on consomme façonne nos paysages.

Un réseau national de légumeries-conserveries de proximité

La mission de Cuisinons nos Paysages est de créer un réseau de légumeries-conserveries de proximité. Une légumerie est un atelier agroalimentaire qui transforme des fruits et légumes en produits de 4e gamme, c’est-à-dire en aliments prêts à être consommés : il s’agit par exemple de transformer des carottes en carottes râpées. Une conserverie travaille quant à elle sur des processus de conservation plus longs comme la transformation de tomates en coulis de tomates.

“Ce sont des ateliers qui ont la capacité de nourrir un territoire. À Montpellier par exemple, on travaille avec la cuisine centrale qui sert 15 000 repas par jour. On juge qu’elles sont essentielles pour cette relocalisation des chaînes alimentaires. Il y en a déjà beaucoup qui existent mais elles ont toutes le triste point commun de ne pas se pérenniser économiquement,” explique Augustin. “C’est pour ça qu’on s’est intéressé à ces infrastructures : elles sont essentielles mais n’ont pas trouvé leur modèle. Le pari qu’on fait, c’est de se dire que si ces boîtes-là ne font pas la différence par la massification, la standardisation, sans doute qu’elles peuvent faire la différence par la mutualisation.”

Cuisinons nos Paysages se donne donc deux missions principales. La première est de structurer un réseau d’infrastructures de transformation en achetant, construisant ou en s'associant avec des légumeries-conserveries. La deuxième est la création d’une plateforme d’appui pour regrouper les compétences nécessaires au bon développement de ces ateliers.

“Les légumeries-conserveries ne peuvent pas se payer toutes les compétences nécessaires à leur bon développement. Elles ont besoin d’expertise en ressources humaines, en qualité, en sourcing, en marketing, en gestion, en finance… C’est compliqué de porter toutes ces compétences-là. Nous, on mutualise dans une tête de réseau toute cette expertise sur lesquelles elles peuvent s’appuyer,” ajoute Augustin.

Pour réaliser ces ambitions, l’équipe est composée de 7 personnes, basées à Montpellier, Paris et Strasbourg.

Agriviva : un appui stratégique et opérationnel

L’activité de Cuisinons nos Paysages a commencé en reprenant il y a deux ans la légumerie Agriviva à Montpellier, ville pionnière en termes d’alimentation durable et avec une volonté politique qui dépasse les discours, d'après Augustin. Cette légumerie, créée il y a 7 ans, est aussi une entreprise d’insertion, un volet au cœur du projet de Cuisinons nos Paysages.

“Agriviva faisait face aux enjeux classiques d’une légumerie : elle était pleine de bonne volonté mais manquait de savoir-faire et de ressources économiques. Notre mission a été celle d’un redressement, d’une structuration et du développement de la boîte.”

Agriviva déploie à présent des efforts pour relocaliser son sourcing, nouer des partenariats de long terme avec des producteur·rices de la région et remettre la saisonnalité au cœur des assiettes.

“Au début, on n’y travaillait que des légumes, maintenant on travaille aussi des fruits. À partir de cet été, on va travailler sur les processus de cuisson pour commercialiser des légumineuses cuites dans la restauration collective et commerciale.”

Une levée de fonds a été lancée pour financer son développement : “Le but de cette levée de fonds est de continuer à investir dans l’atelier de 4e gamme et d’investir dans un atelier de cuisson de légumineuses. C'est un nouveau marché sur lequel on souhaite se positionner pour permettre notamment de faciliter l’usage des protéines végétales pour les chef·fes de restauration collective.”

Ce financement est en trois tranches : Cuisinons nos Paysages a déjà obtenu une subvention de la région Occitanie, un prêt de la banque des territoires et la troisième tranche est celle de 350 000€ en investissement citoyen. Cette dernière se fermera dans un mois. "On invite tous les citoyen·nes qui sont sensibles à ces questions et qui ont un peu d’argent de côté à venir mettre un billet pour accompagner ce développement.”

Le but est de faire en sorte que les légumeries soient autonomes, au maximum : “On fuit un modèle avec un siège hypercentralisé où on dirait aux légumeries ce qu’elles doivent faire. Cuisinons nos Paysages vient en appui stratégique et opérationnel pour construire avec elles un plan de développement.” Une stratégie qui devient une réalité sur place, où l’équipe se déplace afin de veiller à son bon déploiement.

Cuisinons nos Paysages travaille également avec une deuxième légumerie basée à Strasbourg, qu’elle accompagne depuis plusieurs mois. Cet été sera également lancée la construction d’une légumerie à Rouen. D’autres projets de construction sont en cours, notamment à Lille, ainsi que la reprise d’une légumerie en Ile-de-France et à Bordeaux.

Créer du lien entre acteur·rices de la chaîne alimentaire pour un bénéfice mutuel

Cuisinons nos Paysages a pour but de contrebalancer la différence entre le discours des acheteur·euses et leurs comportements. ”Tout le monde veut du bio, du local, du français, mais au final, quand il faut faire un choix entre plusieurs produits, le moins cher est choisi,” explique Augustin.

Leur souhait est donc de travailler le plus possible avec des produits bio ainsi qu’en lien étroit avec les producteur·rices sur les produits déclassés : “Les standards sont compliqués, on peut vite avoir des produits considérés comme hors calibre : ce sont des produits moins chers parce qu’ils sont tordus, trop grands etc. Nous, on peut utiliser ces produits-là dans les légumeries parce qu’on n’a pas les mêmes exigences que les consommateur·rices et on dispose de grosses machines pour découper des légumes qui ont des formes non-standards.”

Cuisinons nos Paysages travaille ainsi avec un producteur de poireaux, auprès duquel un engagement de volume et de prix a été fixé : “On lui achète ses plus gros poireaux : pour lui c’est bénéfique parce que ça augmente son chiffre d’affaires à l’hectare et pour nous c’est plus de rendements. Il n’y a qu’en se rencontrant qu’on peut se rendre compte que les contraintes de chacun·e peuvent au final être un bénéfice mutuel.” Faciliter cette rencontre est donc au cœur du projet de Cuisinons nos Paysages !

Faire de la contrainte un potentiel de créativité

D'après Augustin, la transition alimentaire dans la restauration collective passera par l’éducation et la pédagogie.

“On peut se retrouver confronté à des personnes qui ne sont pas de mauvaise volonté, mais qui ne savent pas que le poivron ne pousse pas en février. Tant que ce sera le cas, les acheteur·euses continueront à en acheter à cette période de l’année. Avoir un calendrier de fruits et légumes sur son frigo c’est un premier pas mais les saisonnalités changent tous les ans et dans toutes les régions : il faut s'acculturer. C’est de l’éducation des enfants, des adultes, des cuisinier·ères, diéteticien·nes…”

Cette sensibilisation doit passer selon lui par un lien entre tous les acteur·rices de la chaîne alimentaire, en s’intéressant aux métiers agricoles et aux conditions de travail des chef·fes : “Il faut se parler, partager ses contraintes, et ne surtout pas partir du principe que tout le monde sait tout.”

Stimuler sa créativité est un autre levier pour Augustin pour changer ses pratiques alimentaires. La contrainte des saisonnalités doit booster notre créativité pour varier les recettes et découvrir de nouveaux produits.

“Quand on a accès à un buffet de matières premières internationales permanent, on n’a pas besoin d’être créatif. Oui, manger de saison peut être contraignant mais j’ai la conviction personnelle que la contrainte stimule la créativité. Il en va de même pour la pérennité de nos légumeries et conserveries : elle passera aussi par notre créativité et notre capacité à se démarquer de la concurrence.”

Un dernier mot pour passer à l’action ?

“Cuisinons ! Amusons-nous en cuisine, prenons des produits bruts, tentons des recettes !”, affirme Augustin.

“Je suis persuadé que bien s'alimenter pour soi, pour la planète et pour les agriculteur·rices ne coûte pas si cher à partir du moment où on décide d’y passer un peu de temps.”

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