S’il est reconnu que la consommation de poisson est bénéfique pour la santé - apport en oméga-3, source de protéines, minéraux, oligoéléments et vitamines - la question qui se pose actuellement reposerait plutôt sur le moyen d’obtenir ce poisson.
La pêche est un secteur qui doit être encouragé et soutenu car elle est un des piliers du développement durable des domaines maritimes et littoraux. En effet, le développement durable comprend trois aspects indissociables les uns des autres : la protection du patrimoine naturel, le développement économique et la justice sociale. Ce sont ces aspects, très imbriqués, qui permettent d’assurer une ressource pérenne, bénéfique à tous.
Cependant, il est nécessaire de différencier les types de pêches pour n’en soutenir qu’un : la pêche artisanale. Celle-là même qui, non seulement, est en mesure de fournir une alimentation de qualité tout en respectant la vie marine, mais aussi de participer à l’essor économique d’une région, grâce à des points de vente en circuit court.
Tableau 1 : Comparaison entre la pêche industrielle et artisanale à l'échelle mondiale. (Source : Traduit d'après Pauly et Jacquet, Funding priorities : big barriers to small scale fisheries, 2008)
La pêche artisanale et industrielle : comparaisons
Effectuée sur des bateaux de petite taille (15 m ou moins), la pêche artisanale est entreprise par quelques hommes, à proximité du port d’attache. Ses moyens sont moindres en comparaison à la pêche industrielle, armée de bateau-usine géant ou encore de chalutiers, raclant les fonds marins et pouvant, à terme, les stériliser. Cette dernière est pourtant financée par des subventions massives, qui lui permettent de continuer son activité de façon permanente, grâce à une extension de ses zones géographiques et des prises toujours plus profondes dans la colonne d’eau.
La pêche industrielle n’entre pas dans le principe du développement durable tout bonnement parce qu’elle n’est pas durable, elle se perpétue jusqu’à épuisement des stocks.
L’enjeu environnemental
Les impacts environnementaux de la pêche industrielle sont lourds : consommation massive de gasoil, prises dédiées à la fabrication de farines animales ou encore prises accessoires (soit celles qui sont rejetées à la mer). Difficile de lier une démarche environnementale positive à cette pratique.
L’apprentissage du goût, des valeurs et du respect se fait dès le plus jeune âge. Intégrer des repas façonnés à partir de produits bruts issus du développement durable dans les cantines, c’est être en mesure d’expliquer à un enfant pourquoi ce qu’il mange est bon pour sa santé et pour l’environnement. C’est parier sur l’espoir que ce même enfant reproduira ces gestes tout au long de sa vie. C’est aussi revaloriser le travail artisanal, proche du consommateur et surtout humaniser celui qui nous permet de manger convenablement.
Comment faire alors, pour assurer une alimentation saine, suivant une éthique écologique qui respecte la mer et ses écosystèmes ?
Un changement inévitable de paradigme
La préservation des ressources marines
Il est primordial d’intégrer et d’accepter un fait : un stock régulier ne peut être assuré. S’il l’est, la crédibilité écologique n’est plus de mise. En effet, comment assurer une prise quand celle-ci dépend des conditions météorologiques, du stock naturellement présent dans la colonne d’eau, des migrations des espèces, des fluctuations environnementales ou encore de la maturité sexuelle des individus ?
Se recentrer sur des valeurs durables nécessite de reconsidérer ce qui nous entoure non comme un dû mais comme une possibilité. Une possibilité de manger mieux, de soutenir des acteurs locaux, et de participer à une évolution de notre consommation.
La pêche artisanale ne suit pas la ressource (soit le poisson), car peu financée le coût lié à des déplacements lointains serait trop important et de ce fait la pêche perdrait en rentabilité. Ce type de pêche a tout intérêt à observer, comprendre et préserver la ressource ; contrairement à la pêche industrielle, son activité en dépend. Grâce à cette répartition géographique restreinte ainsi qu'à cette connaissance du milieu, la pêche artisanale ne sélectionne que les espèces de saison.
Le choix d’une consommation locale
Avoir recours à cette pratique, c'est aussi s'assurer de manger local. Concernant les régions littorales, elles devront alimenter leurs établissements à partir des ports locaux.
C'est également l'assurance de ne pas se voir servir des espèces bannies par la liste rouge du Conseil de Paris, comme le Hoki. Cette espèce de grands fonds (vivant entre 200 et 800 m de profondeur) et originaire du Pacifique Sud ne peut décemment plus faire partie de la restauration française. Même conclusion pour le poisson Empereur, dont l'air de répartition se situe entre 400 et 900 m de profondeur. Ces deux espèces sont ce que l'on appelle des substituts : les espèces se trouvant à des profondeurs moins importantes ayant été surpêchées, le chalutage poursuit sa quête de plus en plus loin en profondeur, de telle sorte que le consommateur, trompé par ce substitut, ne prend pas conscience de la raréfaction des stocks de poissons et voit son étalage toujours bien approvisionné.
Enfin, la pêche artisanale privilégiant la pêche au filet permettra d'éviter un apport trop important en sole, lotte ou raie (espèces à éviter d'après les nouvelles normes entrant en vigueur) qui sont des espèces vivant sur le sable et qui sont prélevées à l'aide de chalut de fond raclant les sols dans le but de cibler les prises sur ce type d'espèces.
L'enjeu est de taille, car ce ne sont pas moins de 14 millions de repas qui sont distribués chaque jour en France dans les cantines. Mais si pour une fois, grâce à ce quota conséquent et en faisant les bons choix, la balance penchait enfin en faveur des petits métiers, de ceux qui travaillent la mer tout en sachant la respecter ?