Transformer ses pratiques en restauration collective, c’est possible ! La cuisine du Centre Musiflore en est un exemple particulièrement inspirant. Nona s’est entretenue avec son directeur, Victor Haumont, pour vous partager son expérience. Bonne lecture !
Sommaire :
Le Centre Musiflore, un lieu pédagogique engagé
Une cuisine durable à budget maîtrisé
Une démarche avant tout personnelle et progressive
Freins et leviers à l’évolution des pratiques de restauration
Optimiser la gestion et son suivi avec nona
Il y a toujours de quoi s’améliorer!
Le Centre Musiflore, un lieu pédagogique engagé
Le Centre Musiflore, fonctionnement et particularités
A la limite du Diois et de la Drôme provençale, le Centre Musiflore est un centre de vacances créé en 1966 qui accueille presque exclusivement des enfants dans le cadre de classes de découverte et de colonies de vacances.
L’établissement s’est construit et continue de se développer sur la base d’un lien fort avec le vivant. Au-delà des services de logement et de restauration, le centre propose des activités manuelles et artistiques et ce principalement autour de deux grandes thématiques : la musique, mais aussi la faune et la flore, d’où le nom Musiflore.
Chaque séjour organisé est l’occasion de sensibiliser les enfants accueillis au respect de l’environnement et de tout l’écosystème. Un gros effort d’éducation est fait, particulièrement au niveau de l’alimentation, pour encourager des pratiques responsables et raisonnées.
Une sensibilisation dès le premier repas du séjour
Dès le premier repas, les engagements du centre sont expliqués aux enfants et à leurs accompagnants. Chaque membre de l’équipe est présenté pour qu’ils comprennent l’importance et le rôle de chacun, ce qui se joue en cuisine, et d’où proviennent les produits qu’ils consomment pendant leur séjour.
Tous les repas sont l’occasion de rappeler la signification du bio, l’importance des provenances mais aussi et surtout de la saisonnalité. Les enfants n’y sont pas habitués mais, une fois les explications données, ils ont tendance à aimer bien plus facilement les choux, le brocoli - que le chef essaie par ailleurs de leur rendre appétissants - et oublient rapidement les tomates en hiver… Au centre, on leur fait découvrir de nouveaux produits, des recettes différentes, et on les encourage à ramener ces idées chez eux.
Bien que le séjour ne dure qu’une semaine et ne suffise pas à faire évoluer des habitudes pour de bon, Victor Haumont le rappelle et s’en réjouit : “on a un impact malgré tout”.
Savoir communiquer, expliquer et valoriser
Cet engagement - le travail de produits bruts, locaux, bios et/ou raisonnés - le centre a su le valoriser et communiquer efficacement dessus. Mais toute l’attractivité repose essentiellement sur le bouche à oreille.
Pour le directeur, la différence se fait dans des détails comme celui des céréales proposées aux enfants pour le petit déjeuner. "Nous, nous n’avons pas de céréales sucrées, nous servons du muesli ou plutôt ce qu’on appelle un “muesli croquant” et on explique bien pourquoi. (...) Il y a plein de petites choses comme ça qu’on met en place et surtout qu’on explique”.
Exemple de la gestion des déchets
La sensibilisation et l’éducation pendant les repas se fait jusqu’à la gestion des derniers déchets. Le centre met un point d’honneur à tout recycler et les enfants se prêtent au jeu avec plaisir. Dans la salle à manger, différents sauts de couleurs - vert, rouge, bleu - chacun destiné à un compost bien particulier.
Tout un système de tri est également pensé et mis en place à l’échelle du centre : carton, verre, recyclage et dans un dernier temps seulement, le ménager. Des investissements ont été réalisés pour réduire l’utilisation et l’impact du plastique. On n’y trouve par exemple que des yaourts en vrac, finis les pots individuels. Finalement, tout est recyclé, même l’eau qui est réutilisée pour le ménage, arroser quand c’est nécessaire…
“On va loin! et c’est faisable! Il n’y a vraiment aucune perte et en règle générale on repart avec une petite poubelle, type 10L, de déchets ménagers.”
Une cuisine durable à budget maîtrisé
Avec tous ces engagements, le centre propose un service de restauration exemplaire. Les choix alimentaires y sont durables et dépassent largement les ratios fixés par la loi EGAlim. Sur les quatre repas proposés quotidiennement - petit déjeuner, déjeuner, goûter, dîner - l’équipe atteint par exemple presque 95% de bio (même au niveau de certaines épices!). Et tout cela en respectant son budget. C’est possible !
Une démarche avant tout personnelle et progressive
Bien entendu, tout cela nécessite de faire certains choix. A l’origine de ces performances du centre Musiflore, on trouve une démarche avant tout personnelle.
Victor Haumont est directeur du centre depuis 2016. Après 30 ans de métier, il constate que son engagement s’est construit progressivement, en fonction des ressources et opportunités disponibles.
Lorsqu’il a pris la direction du centre, l’établissement travaillait déjà à la sensibilisation environnementale. En revanche, sur l’alimentaire, encore peu d’initiatives étaient réellement mises en place. Si le centre se fournissait déjà auprès de petits producteurs locaux, les ratios eux, stagnaient entre 5 et 10%. Victor Haumont et sa nouvelle équipe sont venus étoffer la gamme “pour n’être qu’en bio, fait-maison, avec des produits frais”. Mais il le rappelle et insiste : “ça a pris du temps” et demandé de l’investissement, tant sur le plan matériel qu’humain.
Selon lui, la formation est clé : “C’est aussi faire comprendre et faire changer les mentalités, surtout en cuisine. (...) C’est vrai que des fois, en cuisine collective, on a l’habitude d’acheter du surgelé, des choses toutes faites, toutes préparées. Je vous donne un exemple, la ratatouille. On a l'habitude d'acheter de la ratatouille surgelée. Pourtant on peut bien travailler avec des produits frais, mais cela demande aussi de l’organisation, du RH supplémentaire, il faut petit à petit mettre tout ça en place. C’est au début que c’est vraiment plus compliqué. Mais une fois les processus, la routine mis.e.s en place, ça fait partie des tâches quotidiennes.” Arrivé lui aussi il y a 8 ans, le cuisinier du centre a déjà toutes ses bonnes pratiques mises en place - gestion de l’organisation, fonctionnement des commandes… - et cela ne représente plus pour lui une charge supplémentaire.
Par ailleurs, l’intégration progressive de nouvelles initiatives engagées a rapidement payé : “Quand je suis arrivé, la structure était en déclin, elle ne fonctionnait que 5 à 6 mois par an à peu près. Après 8 ans, voilà, on a développé plein de choses, notamment sur l’alimentation, et là on a multiplié le remplissage et le chiffre d'affaires par 3.”
Freins et leviers à l’évolution des pratiques de restauration
Si de telles performances ne sont pas plus répandues, ce n’est pas faute d’engagement, mais bien parce que les freins à l’évolution des pratiques, en restauration comme dans d’autres secteurs, demeurent importants.
Une localisation clé
Selon le directeur, pas de doute, la localisation est clé. “Nous on a l’avantage d’être en Drôme, alors même si on est un peu excentrés, un peu en montagne etc, on est quand même dans le bon département et on va dire, autour de chez nous, maintenant, on a 60-70% des agriculteurs qui sont en bio donc… En fait, pour nous, c’est très facile de s’approvisionner et de trouver de bons produits, les bons produits. Et globalement ça fonctionne, aujourd’hui, en restauration, on est quasiment à 95% en bio, local.”
Il le sait et le souligne, tout le monde n’a pas les mêmes opportunités en termes d’approvisionnement : “À côté je suis Président d’une association qui s’appelle Isère Drôme Destination Junior, qui regroupe 60 centres de la Drôme et de l’Isère. Ceux qui sont au fin fond du Vercors ont davantage de difficultés à se faire approvisionner et ce ne sont surtout pas les mêmes prix qui sont pratiqués. Les coûts de transport sont un peu plus élevés. Donc en fait, nous on a l’avantage d’être au bon endroit et d’avoir de bons fournisseurs. Je peux comprendre que des fois, sur d’autres structures, ça soit un petit peu plus compliqué à mettre en place.”
Jouer sur la taille pour lisser les coûts
Aujourd’hui, l’engagement politique autour de l’alimentation est très fort, aussi bien au niveau politique qu’à l’échelle des territoires. Pour lui, le principal frein au changement est budgétaire. Et pourtant son exemple permet de déconstruire, ou du moins relativiser cet argument régulièrement utilisé par les réfractaires.
“On est la référence des centres de vacances sur l’alimentaire mais c’est aussi parce qu’on a mis le budget pour. Parce qu’en termes de prix de journée, je suis presque à 2 euros plus cher par jour et par enfant que les autres centres de vacances. (...) Nous on a quand même un prix alimentaire qui est au-dessus de la moyenne, parce que forcément, comme on ne propose que du bio, on paye un petit peu plus cher. Mais on s’y retrouve quand même sur la quantité, sur la masse. Et en fait ce qu'il faut c’est surtout, bien commander.”
Avec une capacité de 130 lits, la structure est importante et travaille quasiment en continu. Pas de secret, c’est cette activité régulière et soutenue qui lui permet de réaliser des économies d’échelle et de lisser ses coûts sur l’année. Le directeur joue sur la quantité : “Ma ligne alimentaire avait un coût. J’ai augmenté ce coût. Et donc, ce n’est pas que l’on rogne sur nos marges, c’est que, par la quantité, on régule. Ce coût est absorbé par la masse du chiffre d'affaires général. (...) Il y a des petites structures qui ont pratiquement moitié moins de capacité et qui du coup ont davantage de mal à maîtriser leur budget.”
Bien sûr, cela ne se fait pas sans certains compromis, il est question de faire des choix, notamment au niveau RH : “Pour le yaourt, c’est très facile d’avoir des yaourts sous plastique et à casser pour laisser les enfants se servir. Les yaourts à préparer et à mettre dans les ramequins c’est du RH. Concrètement, en cuisine, j’ai un cuistot, un aide de cuisine, qui représentent 1,80 ETP (= équivalent temps plein), alors que je pourrais n’avoir besoin que d’1,25 ETP (…) Si je ne faisais pas les ramequins etc, je n’aurais besoin que d’une personne plus, peut être, d’un mi-temps. Et donc forcément j’ai augmenté le RH parce qu’on a de la manutention, de l’épluchage, etc.”.
“En créant mes budgets, j’ai augmenté ma ligne alimentaire et après j’ai gratté un peu à droite à gauche des choses qui pouvaient être économisées ou dépensées autrement pour rester après sur un budget annuel qui soit correct et surtout en adéquation avec ce que nous faisons. (...) C’est un choix, mais on s’y retrouve, ça s’équilibre ailleurs.”
Enjeux de la formation
En revanche, tout cela ne se fait pas sans formation, il faut faire évoluer les pratiques mais aussi, étape par étape, les mentalités : “Il faut toujours se dire de changer un peu”. La formation continue - des cuisiniers, aussi bien que des responsables de cuisine et d’établissement - permet la remise en question et donc l’amélioration.
L’alimentation durable n’est pas évidente et nécessite plusieurs adaptations, notamment au niveau du végétal: “À l'époque où j’étais jeune animateur, on mangeait de la viande midi et soir donc déjà, rien que ça, montre le changement de mentalité. Et donc on peut mieux acheter, et donc mieux maîtriser aussi un prix de journée en ne faisant de la viande que ponctuellement, un repas voire une journée sans viande. Il faut juste changer un peu aussi les mentalités des cuisiniers, leur façon de travailler etc. Et amener, petit à petit, ça dans la cuisine. Il y a un réel enjeu de formation.”
L’importance des liens
“Et donc c’est aux personnes comme nous, qui ont déjà mis des choses en place, de leur dire le coût, oui, ça va te coûter un petit peu plus, mais voilà comment tu peux maîtriser ton budget, voilà comment faire pour mieux acheter, mieux cuisiner. Ton coût sera un peu plus élevé mais derrière tu auras de meilleurs retours, davantage de clients et donc tu t’y retrouveras. On peut toujours y arriver, il faut faire passer le pas à ces gens-là.”
Le lien est donc clé dans toutes ces démarches de transition. Un lien dans l’ancrage territorial, le respect de la saisonnalité et l’adaptation aux ressources disponibles localement, mais aussi et surtout dans la connaissance des acteurs locaux et le partage de bonnes pratiques. “Au niveau des menus on s’adapte à ce qui arrive, à ce qui va arriver, en termes de disponibilités de fruits et légumes, de la viande. Je travaille avec deux producteurs de viande qui m’envoient des SMS pour me transmettre leurs disponibilités en termes de produits et on adapte nos menus en conséquence. En fruits et légumes c’est pareil. 15 jours avant la livraison, on a notre fournisseur qui nous envoie ce qui va être disponible et comme ça on sait ce qu’on peut espérer avoir pour nos commandes et menus. Mais tout ça c’est parce qu’on a l’avantage de bien connaître les acteurs qui nous entourent.”
De même, l’association qui regroupe des centres de vacances dont Victor Haumont est président permet l’échange d’information, la mutualisation, l’organisation de formations et l’entraide. Un réseau essentiel pour encourager et soutenir l’évolution du secteur.
Optimiser la gestion et son suivi avec nona
Pourquoi se faire accompagner quand on a déjà des résultats satisfaisants?
Pour Victor Haumont, nona est avant tout un outil d’économat, le moyen de suivre efficacement toute sa gestion et son budget. Gestion des stocks, des commandes, conception des menus, organisation de la production, calcul des prix,... lorsque les responsabilités quotidiennes sont nombreuses, il peut être difficile de suivre l’ensemble. D’où tout l’intérêt d’utiliser un outil qui centralise ces données, systématise certaines pratiques et facilite leur suivi, aussi bien concernant les ratios EGAlim qu’au niveau des coûts journaliers. "L'intérêt de nona est d'être plus juste sur les commandes, je génère mes besoins. (...) Cette année, j'ai fait 10 000€ d'économies grâce à l’outil, sur mes 150 000€ de dépenses annuelles (6.6%). Je maîtrise beaucoup mieux mon stock.”
En facilitant la gestion quotidienne, l’outil encourage parfois à pousser l’engagement plus loin. Dernièrement, le centre, motivé par l’intégration de nouvelles fonctionnalités dans l’outil, a même mis en place des pesées afin de quantifier précisément le gaspillage alimentaire résiduel et d’ajuster sa production en conséquence.
Une prise en main parfois laborieuse mais qui en vaut la peine
Une fois l’ensemble des produits quotidiens, les recettes et les fournisseurs rentrés dans l’outil, l’utilisation de l’outil permet efficacité et gain de temps.
Et ce qui fait réellement la différence c’est l’accompagnement qui va de pair avec l’outil : “ce qui est bien, c’est que nos remarques sont prises en compte (...) chaque fois que l’on fait remonter une information ou une amélioration, c’est pris en compte. Et c'est vrai qu’aujourd’hui, en termes de gestion d’économat, je considère que c’est un outil qui est intéressant. (...) Franchement, quand on l’a maîtrisé, c’est un bon outil!”
Conclusion - Il y a toujours de quoi s’améliorer!
Voilà ce que l’on peut retenir de cet échange avec Victor Haumont. Le centre Musiflore s’engage jusque dans les moindres détails et c’est une stratégie qui paye. “(...) petit à petit on y arrive. Une fois qu’on amorce, c’est une amélioration continue.”